Après Jean-Pierre Mocky (Snobs !, en 1962) et Éric Rohmer (Pauline à la plage, en 1983), c’est au tour d’un autre réalisateur de long-métrage français de poser ses caméras sur notre territoire : Serge Bozon. Celui qui a déjà réalisé La France (2007), Tip Top (2013) et Madame Hyde (2018) tourne aujourd’hui Don Juan, une comédie musicale avec Tahar Rahim, Virginie Efira et Alain Chamfort. Le cinéaste nous a accordé une interview entre deux prises, lundi 31 mai 2021, sur le port de plaisance de Granville.
Bonjour Serge Bozon, et bienvenue à Granville !
 
Bonjour ! Merci !
 
Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur le film que vous êtes en train de réaliser ?
 
Le film raconte l’histoire d’un homme abandonné par sa fiancée le jour de son mariage. On se rend compte peu à peu que c’est un acteur qui doit jouer Don Juan, de Molière, pour la première fois de sa vie, à l’Archipel. C’est un personnage qui a un comportement abusif avec des femmes qui ressemblent à celle qui l’a quittée et qui sont jouées par la même actrice : Virginie Efira. Son ex fiancée finit par revenir pour remplacer la Elvire de la pièce qui est renvoyée. Il y a donc une histoire d’amour qui renaît…
 
Il s’agit d’une comédie… (il coupe la parole)
 
Musicale ! Ce n’est pas comique ! Il y a des chansons, des danses… Mais c’est plutôt un film assez triste, un peu sombre.
 
La musique a toujours été présente dans votre filmographie mais vous n’aviez cependant pas encore réalisé de comédie musicale à proprement parler. Pourquoi avez-vous finalement choisi de réaliser une comédie musicale ?
 
Oui, c’est vrai, j’avais fait un film qui s’appelait Mods où il y avait des danses, et un autre qui s’appelait La France où il y avait des chants en son direct (les acteurs chantent pour de vrai)… Mais c’est la première fois qu’il y aura à les deux !
Le réalisateur Serge Bozon tourne son prochain long-métrage, Don Juan, à Granville. ©Marie Blanc-Juhel - Coll. Ville de Granville

Serge Bozon réalise son quatrième long-métrage.

Granville accueille le tournage du prochain film de Serge Bozon 2. ©Flora.Gelot - Coll. Ville de Granville

Une scène du film a été tournée sur le port de plaisance de Granville.

Les acteurs ont donc dû apprendre à danser et à chanter ?
Oui, absolument ! Tahar Rahim a fait une préparation assez énorme, un peu à l’Américaine, comme il aime. Il a dû suivre une trentaine de répétitions de chant. Virginie Efira a fait un peu moins de répétitions de chant parce qu’elle avait déjà eu l’occasion de chanter plusieurs fois. Par contre, elle a fait des répétitions de danse. Il y a eu une grosse préparation en amont. On a commencé les répétitions avec Virginie Efira l’été dernier… Pour enregistrer en studio dès septembre (2020) !
 
Pourquoi avez-vous choisi de mettre en abyme Don Juan de Molière ?
 
Pour faire une comédie musicale autour des relations hommes-femmes et de la question des différents modes de séductions, de la séduction la plus douce à la plus agressive, je trouvais que c’était la pièce idéale parce qu’on avait le personnage par essence du séducteur dans ce qui a  a de plus provocateur. La grande différence, c’est que Don Juan est prêt à séduire toutes les femmes alors que le héros uniquement celles qui lui évoquent sa fiancée partie. C’est plus une obsession blessée qu’une séduction tous azimuts.
 

Vous apparaissait-il évident qu’il revenait à Tahar Rahim d’interpréter ce rôle ?

Oui, parce que je trouve qu’il a une beauté physique et une forme d’ardeur qui n’est pas si facile à avoir. Il peut aussi dégager des choses plus sombres, plus violentes, peut-être même maladives. Il a un spectre assez large et on ne l’imagine pas forcément en acteur de théâtre jouant du Molière. J’aime bien quand on a l’impression que les acteurs jouent des choses nouvelles. Comme Virginie Efira, qui va jouer plusieurs femmes. Je pense que c’était amusant, pour elle, de jouer son personnage principal de Julie, mais aussi différentes femmes assez marquées par leurs maquillages et leurs coiffures : une femme gothique, une femme qui ressemble à une sorte de bibliothécaire un peu BCBG un peu sexy, une cagole un peu vulgaire, assez violente et ordurière. Cela lui donne un spectre de jeu assez large.

 

Pourquoi tournez-vous à Granville ?

C’est une chance ! Je ne remercierais jamais assez les hasards, finalement, des financements. On tourne dans les régions qui nous donnent de l’argent. [Pour Don Juan], nous avons le soutien des régions Normandie et Île de France. Ce qui m’importait, au début, c’était de savoir dans quels théâtres jouaient les acteurs. J’ai eu une sorte de coup de foudre pour Granville lorsque je me suis rendu compte que son théâtre s’ouvrait sur la mer, la falaise et le théâtre marin. Je n’avais pas envie qu’on tourne les scènes de théâtre dans un cube noir. Je voulais qu’il y ait un rapport à la nature, au vent, au bruit des mouettes, des goélands, au ciel. J’ai aussi été séduit par le fait qu’il y ait une ville haute et une ville basse. Cela permet de faire des panoramiques. Il y a aussi la mer, qui permet de jouer avec les reflets, des plages, comme celle de Bricqueville-sur-Mer qui, avec ses dunes, est idéale pour l’atmosphère que je cherchais. La ville a une certaine photogénie. Lorsqu’on est sur la terrasse du Mercure et qu’on filme la jetée, le théâtre et le Casino, c’est très beau. Il y a à Granville une sorte de douceur, quelque chose de plus resserré, de plus miniature qu’à Deauville par exemple. Ça ne fait pas villégiature pour parisiens chics. Il y a une identité propre qui, je pense, sera très bien pour le film. J’ai même changé le scénario. Maintenant, à la fin, le héros reste à Granville. Il ne veut plus partir !
Reviendrez-vous, comme le personnage, nous rendre visite à Granville ?
Sincèrement, je ne pars jamais en vacances donc… J’y reviendrais s’il y a d’autres raisons d’y tourner ! (Rires)

En tout cas, on a hâte de voir ce film et on espère de tout cœur qu’une avant-première sera organisée à Granville…

J’espère bien que vous en aurez une ! Et je viendrais présenter le film avec plaisir au Sélect que j’ai découvert hier en allant y voir le nouveau film de Quentin Dupieux : Mandibules.

Nous vous remercions pour cet entretien et vous souhaitons une bonne fin de tournage à Granville !

Le théâtre de l'Archipel accueille le tournage du film Don Juan de Serge Bozon. ©Flora.Gelot - Coll. Ville de Granville

L’équipe de Don Juan tourne huit jours à l’Archipel.

*Interview à écouter en intégralité prochainement sur Le Bouquet Granvillais dans l’émission Nouvelle Vague.